Focus sur notre artiste en résidence
Jean-Charles Remicourt-Marie
Les outils rangés en ligne sur une table de travail, les matériaux classés et inventoriés sur une autre, ce début de résidence annonçait un travail méthodique et sans à-coup. Je m'étais lancé dans le projet d'une malle d'un mètre de haut, faite pour accueillir une série de photographies et de documents. Cet objet, lieu du secret, devait être un espace pour contenir et faire exister l'image même quand elle n'est pas dévoilée.
L'annonce du confinement est devenue ce moment presque absurde où, télescopé dans cet atelier vide et résonnant je m'élançais dans la construction d'un espace encore plus restreint, plus étroit, sans images pour justifier son existence. Assemblage de clous, de cuir, de bois et de tissu, les couches viennent se superposer pour former ce cube cotonneux et sombre, construit à la taille de mon corps. Arrivé au moment où cet objet ne pouvait plus progresser dans son aboutissement il me fallait alors trouver un autre espace où faire subsister cette idée. Ironiquement c'est au sein de mes carnets, espace encore plus clôt et intime, que j'ai réussi à trouver un territoire où prolonger ce qui ne peut apparaître dans l'atelier. Les plans côtoient des mots jetés et incompréhensibles, se superposent avec des titres de films et des listes de courses afin de délimiter malgré soi la cartographie mentale de cette latence. L'écriture y devient organique, chargée de contresens et de pensées avortées pour former une nouvelle matière première qu'il faudra agencer et découper.
Le confinement est terminé, la malle aussi. Il n'y a plus qu'à peupler les tiroirs de ces spectres de papiers. Images qui, bien que claires à mon esprit au début de mon travail, sont devenues des formes dissoutes faites de littérature et de mots entrelacés. Des visages m'apparaissent dans des compositions impossibles, des corps désirés semblent s'échapper de leur substance. Cette étape du travail devient alors un aller-retour contradictoire entre cette envie perpétuelle de sortir de l'atelier, d'ouvrir les portes et les fenêtres alors que cet objet, toujours clôt et secret, attend d'être terminé.