L'ordre
Un essai cinématographique de Jean-Daniel Pollet
Film présenté par François Marcelly
1973, 44 min.
« La récente publication de Vies et morts d’un Crétois lépreux, d’Epaminondas Raimondakis (principal interlocuteur du film) ainsi que l’engouement actuel à propos des problématiques comme « l’hospitalité » et « l’accueil », m’incitent à penser qu’il est impératif de voir, voire de projeter L’Ordre, film réalisé par Jean-Daniel Pollet en 1973.
Jean-Daniel Pollet, réalisateur contemporain de la Nouvelle-Vague, s’intéressa notamment, par un biais que je nomme « extra-cinématographique », aux problématiques mêlant médecine et cinéma. Cette approche peu commune et peu connue sera l’occasion, à partir du film et d’archives inédites, de comprendre ces agencements extra-cinématographiques qui existent dans l’oeuvre de Jean-Daniel Pollet. Son intérêt pour la médecine, notamment pour les malades de la lèpre dont il est question dans le film, pose la question de l’enfermement et des moyens de s’en sortir ou de survivre.
Tourné sur l’île de Spinalonga, le film approche ainsi le sujet de l’exclusion, voire paradoxalement de l’inclusion des malades lépreux dans la société. Et par là-même, du rapport qu’entretient le cinéma avec ses entours.
L’Ordre témoigne également de la posture que Pollet adopte vis-à-vis d’une forme qui s’apparente à la commande, puisque ce film, produit par un laboratoire pharmaceutique, le laboratoire Sandoz, émane d’une collaboration entre le cinéaste et l’anthropologue Maurice Born. Quel dialogue entretient-il donc avec d’autres champs ? Qu’il soit relatif à celui de la médecine ou à celui de l’art.
Alors, si l’on considère qu’il s’agit, non pas un documentaire, mais d’un « point de vue documenté », pour reprendre l’expression de Jean Vigo, on peut se demander comment les images fabriquent-elles et inventent-elles leur propre langage ? Ainsi, au-delà de la question du genre, ce film nous permettra de nous interroger sur les rapports que peuvent entretenir, l’anthropologie et la fabrique d’images, la médecine et le cinéma, la recherche et l’art. »
François Marcelly
Après Là-bas, de Chantal Akerman, India Song de Marguerite Duras, Accoster d’Olivier Derousseau, Xapirí, film collectif expérimental présenté par Muriel Combes avec Lettre à Freddy Buache. À propos d'un court-métrage sur la ville de Lausanne, de Jean-Luc Godard, le Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs d’Issac Julien, le Wittgenstein de Derek Jarman, L’Ordre de Jean-Daniel Pollet.
Si dans ce dernier film la question de la couleur n’est pas un enjeux directement évoqué, nous pouvons penser à ce que Wittgenstein a écrit au sujet de notre difficulté à circonscrire clairement les concepts que nous utilisons, difficulté qui se pose pour un sujet comme la couleur : « Nous sommes incapables de circonscrire clairement les concepts que nous utilisons ; non parce que nous ne connaissons pas leur vraie définition, mais parce qu’ils n’ont pas de vraie “définition”. Supposer qu’il y en a nécessairement serait comme supposer que, à chaque fois que des enfants jouent avec un ballon, ils jouent en respectant des règles strictes. »
Doctorant en Histoire à l’université d’Aix-Marseille, François Marcelly développe sa recherche sur la question de l’institution, mais aussi à partir de l’institution, puisqu’il est chercheur en résidence à l’École Supérieure d’Art de Clermont Métropole. Son approche se nourrit autant de l’archive, du terrain institutionnel que du cinéma. Du reste et à partir de ces différentes focales, des formes peuvent être pensées, notamment celles l’ergonomie des savoirs et des pratiques.