Sophie Wahnich
Légende : Massacre de Lyon, ordonné par Collot-d'Herbois, I. Bertaux, graveur, 19ème siècle. Lyon, Musées Gadagne – Inv. 378
1 ère conférence du cycle piloté par Giovanna Zapperi et Alejandra Riera : L'avenir du passé, politiques de l'archive
Les archives, une fabrique de l'histoire falsifiable ?
En thermidor et fructidor an II, Tallien aurait voulu faire disparaître son histoire de terroriste en faisant disparaître les archives de la Révolution, les archives plus particulièrement des massacres de septembre. Elles disparaissent en effet et sont toutes réécrites en reprenant des notes auprès des acteurs, dans l’après coup. Ils dirent sans doute ce que l’on attendait d’eux, une mémoire horrifiée. Elle fabrique l’effroi rétrospectif pour toute une génération politique. Pour sortir de la terreur les thermidoriens ont donc préconisé de détruire ses archives. Mais pour faire oublier ses crimes il faut dénoncer ceux des autres. Tallien s’y emploie. Il y aura donc les archives des grands procès des complices de Robespierre, elles ressouderont la convention et la nation, et du même mouvement toute autre faille, tout autre soupçon sera enfoui. Déjà un « mal d’archive » au cœur de l’expérience thermidorienne.
Si pour les uns, il s'agit de ne pas revenir sur ce qui ne peut être jugé et de mettre en pratique une sorte d'amnistie pour la Convention et le peuple français, pour les autres il s’agit bien de maquiller l’histoire et de fabriquer une amnésie de la vérité historique, de la mettre définitivement au secret. Robert Lindet avait pourtant proposé de donner mission aux générations futures de faire l'histoire d'un épisode innommable. Il fallait un présent d’amnistie dans l'attente d'une histoire à venir. "Le passé n'est plus à nous, il appartient à la postérité". Il y a pourtant et ainsi des archives, de drôles d’archives de l’après coup qui malgré tout rassemblent en un lieu secret et vérité. Elles ont pris date pour qui saura les exploiter, lire entre leurs lignes, et malgré leurs discontinuité, leur maquillage et leur rareté, elles présentent un abri. Elles sont une double violence, celle de l’archive comme telle qui institue et conserve en un lieu public, celle de cette histoire de falsification qui lui fait perdre sa nature. Le dépôt d’archive n’est plus le lieu où se dit la loi mais où se dit son contournement.
L’intervention de Sophie Wahnich réfléchira à partir de ce cas sur les pratiques de l’archive détruite, falsifiée ou conservée comme pratiques politiques installées sur le pli du désir de taire ou de faire savoir comment la politique s’est déployée dans l’histoire.
Sophie Wahnich est directrice de recherche au CNRS en histoire et science politique, au Laios/IIAC de l’EHESS.
Spécialiste de la période révolutionnaire, elle interroge depuis l’expérience cosmopolitique du xviiie siècle, les représentations actuelles de l'étranger, de la violence, de la guerre, que ce soit au musée, dans les discours juridiques, ou les formes esthétiques (arts plastiques, cinéma, théâtre). Elle a publié de nombreux ouvrages sur ces domaines de recherche : Les Émotions, la Révolution française et le présent (Éditions du CNRS, 2009) ; L’Impossible citoyen, l’étranger dans le discours de la Révolution française (Albin Michel, 1997-2010) ; La Liberté ou la mort, essai sur la violence ou le terrorisme (La Fabrique, 2003) ; La Longue patience du peuple, 1792, naissance de la République (Payot, 2008) ; Fictions d’Europe, la guerre au musée en France, en Grande-Bretagne, et en Allemagne, (Éditions des archives contemporaines, 2003) ; Une histoire politique de l’amnistie (PUF, 2007).
Si pour les uns, il s'agit de ne pas revenir sur ce qui ne peut être jugé et de mettre en pratique une sorte d'amnistie pour la Convention et le peuple français, pour les autres il s’agit bien de maquiller l’histoire et de fabriquer une amnésie de la vérité historique, de la mettre définitivement au secret. Robert Lindet avait pourtant proposé de donner mission aux générations futures de faire l'histoire d'un épisode innommable. Il fallait un présent d’amnistie dans l'attente d'une histoire à venir. "Le passé n'est plus à nous, il appartient à la postérité". Il y a pourtant et ainsi des archives, de drôles d’archives de l’après coup qui malgré tout rassemblent en un lieu secret et vérité. Elles ont pris date pour qui saura les exploiter, lire entre leurs lignes, et malgré leurs discontinuité, leur maquillage et leur rareté, elles présentent un abri. Elles sont une double violence, celle de l’archive comme telle qui institue et conserve en un lieu public, celle de cette histoire de falsification qui lui fait perdre sa nature. Le dépôt d’archive n’est plus le lieu où se dit la loi mais où se dit son contournement.
L’intervention de Sophie Wahnich réfléchira à partir de ce cas sur les pratiques de l’archive détruite, falsifiée ou conservée comme pratiques politiques installées sur le pli du désir de taire ou de faire savoir comment la politique s’est déployée dans l’histoire.
Sophie Wahnich est directrice de recherche au CNRS en histoire et science politique, au Laios/IIAC de l’EHESS.
Spécialiste de la période révolutionnaire, elle interroge depuis l’expérience cosmopolitique du xviiie siècle, les représentations actuelles de l'étranger, de la violence, de la guerre, que ce soit au musée, dans les discours juridiques, ou les formes esthétiques (arts plastiques, cinéma, théâtre). Elle a publié de nombreux ouvrages sur ces domaines de recherche : Les Émotions, la Révolution française et le présent (Éditions du CNRS, 2009) ; L’Impossible citoyen, l’étranger dans le discours de la Révolution française (Albin Michel, 1997-2010) ; La Liberté ou la mort, essai sur la violence ou le terrorisme (La Fabrique, 2003) ; La Longue patience du peuple, 1792, naissance de la République (Payot, 2008) ; Fictions d’Europe, la guerre au musée en France, en Grande-Bretagne, et en Allemagne, (Éditions des archives contemporaines, 2003) ; Une histoire politique de l’amnistie (PUF, 2007).
