David Monteau

Au début de l’année 1914, l’Angleterre est animée d’une agitation politique au bord de l’insurrection (suffragettes, syndicalistes révolutionnaires, nationalistes irlandais) et, dans un même moment historique, la société britannique se dirige à la fois vers la démocratie sociale et vers la guerre. Or cette époque voit aussi une activité artistique extrêmement vive à l’aune de la réception de la modernité continentale, cubisme et futurisme en tête. Ainsi, quelques mois avant que se déclarent les feux de la Grande Guerre, un groupe d’artistes actifs à Londres et emmenés par le peintre et écrivain Wyndham Lewis et le poète américain Ezra Pound, entend transformer radicalement l’art et la vie de son époque. Pour rendre compte des effets désirés de leur art sur les hommes et sur la société, ces artistes se choisissent la figure du vortex comme emblème. Les œuvres de ces « vorticistes » visent ainsi à faire voler en éclat une société prise dans le mouvement d’une décadence morale qui s’inscrit dans la sensibilité contemporaine comme la dissolution de la forme dans le flux. La matière fluide qui défait les structures est pour eux la matérialisation sensible de l’âge démocratique. L’efficacité proprement magique de leur art est alors d’exorciser la menace de l’informe démocratique, contre lequel il convient de rétablir un ordre comme propriété subjective fondamentale des nouveaux individus que doit faire advenir cet art.