" Four6 " de John Cage
Interprété par QWAT ?
Four 6, composé entre 1990-1992, est prévu pour 4 performeur.e.s interprétant des séries de systèmes de réservoirs de temps durant les 30 minutes indiquée sur la partition. Chaque musicien.ne, durant les répétitions, met en place un dispositif permettant de produire les 12 sons distincts que réclame la partition, chaque son étant choisi par l’interprète. Un ‘son’ peut aussi bien être bref et sec, comprenant son propre silence et résonance et percussif, ou bien long et entretenu, telle une matière sans expression, qu’être une mesure mélodique exécutée avec un instrument de musique ou un son entretenu par lui-même hors d'un geste 'instrumental' hormis son déclenchement et son extinction. John Cage indique que cette œuvre peut être jouée par n'importe quelle source sonore. Chaque dispositif mis en place doit permettre de passer de l’un à l’autre des objets ou instruments choisis tout en interprétant les règles temporelles de la partition, comme également les passages et les combinaisons possibles entre les réservoirs, ceux-ci pouvant se superposer selon les choix faits sur les variables de début et de fin de chaque 'temps-son'.
Chaque performeur.e a une partition différente, le seul point commun entre les 4 partitions étant qu’elles vont toutes de 0 à 30 minutes et débutent de manière synchronisée, comme une œuvre classique pour un quatuor. Les 4 partitions indiquent les séquences et réservoirs de temps durant lesquels les musicien.nes doivent jouer tels ou tels de leurs 12 sons. L’intensité sonore et du jeu, ainsi que la répétition d'un timbre durant une séquence, doivent répondre à des règles d'exécution décidées en commun selon la compréhension de la partition et du résultat musical induit par le système aléatoire proposé par John Cage. Les règles communes du système sont le suivi des partitions temporelles et respectives ainsi que la situation de la simultanéité du jeu collectif, temps unique de la partition, de 0'00 à 30'00.
Le résultat sonore de la pièce est donc inductivement imprévisible, semblant paradoxalement informe, et il peut exister autant de Four6 qu’il existe de sons différents dans la vie et de réunions de 4 performeur.e.s prenant des décisions singulières uniques à partir de la trame des réservoirs et cellules de temps.
L’enjeu de la pièce est tout à la fois dans la magie sonore aléatoire produite que dans les 'états' sonores construits par le jeu collectif des performeur.e.s sur leurs dispositifs singuliers à partir du système de contrainte et d'instructions. Ces dispositifs, positionnés dans l'espace, peuvent faire penser à des îlots d'invention individuelle délivrant par le jeu une grande liberté (celle que l'on se donne) et participant à un même environnement : à la fois visuel, articulatoire, autonome, mélanges d'agencements ready-made performés, à demi objets et à demi corporels. La concentration extrême que réclame cette œuvre provient d'une attention de tout moment aux règles temporelles imposées aux joueurs et interprétées par eux : lorsque un son doit être joué, il s'agit de trouver les gestes les plus justes sans attention à un son 'objectif', à un silence 'objectif', ou à un résultat 'objectif', et d’ajuster stylistiquement neutralement et de manière engagée son geste et son intention vis-à-vis de ses propres règles de jeu.
Four6 se construit et se prépare autant comme une œuvre musicale et une situation sonore qu'un travail de mise en espace et de moment
d'écoute. Four6 ouvre la voie à une tentative de simplement révéler des 'états' de temps sonores et musicaux, posés par des sons ensemble et des gestes individuels 'vers' des sons, afin d'introduire leur nudité intrinsèque ainsi que l'attention et la précaution la plus extrême que nous leur devons.