ActualitéActualité culturelleExpositionsArchivesExpositions action culturelle 2019-2020Une classe ne se tient pas sage toute seule
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mercredi 19 août 2020
samedi 26 septembre 2020

La Transversale / Lycée Alain-Fournier Bourges

du lundi au vendredi de 15h à 19h

co-production lycée Alain Fournier - Ensa de Bourges
Réalisé dans le cadre de l’appel à projets « Culture, Patrimoine et Tourisme » avec le soutien de la Région Centre-Val de Loire.»

Brodette, Acte 68 - Saint Étienne

Une classe ne se tient pas sage toute seule

Commissariat d'Étienne Meignant, diplômé de l'Ensa Bourges

L’Ensa de Bourges est à la fois un lieu d’enseignement, un espace de production artistique et un opérateur de diffusion culturelle qui accompagne ses jeunes artistes au-delà de l’obtention de leurs diplômes. Dans le cadre de sa relation partenariale avec la Transversale, espace d'art contemporain et d'expérimentations du lycée Alain-Fournier, l’Ensa Bourges a proposé de confier une carte blanche à un jeune artiste, diplômé avec les félicitations du jury en 2019. Penser une exposition, concevoir un propos questionnant, entrer en dialogue avec les artistes, confronter les œuvres à l'espace et échanger avec le public représente en effet une expérience professionnelle très formatrice. La réponse immédiate et engagée d’Étienne Meignant et la confiance qui lui a été accordée par l'Ensa Bourges et la Transversale nous permettent aujourd’hui de découvrir une exposition qui entre singulièrement en résonance avec l’air du temps.

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Dans une vidéo qui a fait l’actualité en décembre 2019, on entendait un policier proclamer :
« Voilà une classe qui se tient sage ! ».
Il filmait alors avec son téléphone portable un groupe de 150 lycéens qui avaient été interpellés à Mantes-la-Jolie après qu’ils aient pris part au blocage de leur lycée.

Mais en pratique une classe ne SE tient pas sage. ON la tient sage.
Reformuler les choses ainsi, c’est une façon de conjurer l’abstraction derrière laquelle le
pouvoir tend à se dissimuler. 

Car qu’il s’agisse de l’économie, de l’urbanisme, de la police, des emplois du temps, ou des lois, nous évoluons en permanence, et souvent sans les percevoir, au sein d’une multitude de dispositifs quasi-orthopédiques, conçus à la mesure de nos corps par des pouvoirs gestionnaires.

La discipline, l’autorité et le maintien de l’ordre sont donc des objets de réflexion qui occupent une place importante dans les recherches et les pratiques des artistes rassemblés dans cette exposition. En résulte l’omniprésence de la forme du corps dans les œuvres mises ici en perspective, même quand ce corps n’y est évoqué qu’en creux.

Images, sculptures, mots et jeux, ces œuvres sont autant de formes concrètes et sensibles par lesquelles sont mises en question non seulement les méthodes visant à coder les comportements mais aussi les systèmes culturels et idéologiques particuliers qui déterminent ces méthodes. Sont donc évoqués successivement le patriarcat, l’évolution des rapports de production, le nationalisme et l’actualité politique et sociale. Les artistes venant avec leurs engagements respectifs, cette exposition est une manière d’observer en quoi des critiques fragmentaires d’une même époque se complètent, se croisent, ou divergent.


Arnaud Adami

Arnaud Adami s’intéresse au travail et aux travailleurs. Ses peintures entrent dans trois genres picturaux : le portrait, la scène de genre et la nature morte. 

Les portraits de travailleurs peints par Arnaud Adami nous donnent accès à une sphère quasi-intime. Ainsi, à l’opposé d’une redite d’une sorte de réalisme socialiste qui viserait à glorifier le travail et identifierait les travailleurs à leur travail, les portraits peints par Arnaud Adami nous montrent des individus qui pourraient tout à fait être reconnus par leurs proches. Seulement nous, nous ne les connaissons pas. Et les seuls éléments visuels auxquels nous pouvons nous raccrocher pour comprendre ces portraits ce sont les couleurs et le logo de l’entreprise pour laquelle ils travaillent. En l’occurrence : Deliveroo, entreprise phare de l’économie dite « ubérisée ». Et c’est alors une lecture sociologique de ces peintures qui se propose à nous.
L’omniprésence des couleurs de l’entreprise rend saisissant le paradoxe de cette forme de travail où il est désormais possible pour une entreprise de faire porter un uniforme à un travailleur sans en être légalement l’employeur. 

Viennent ensuite les « natures mortes ». Un casque de cycliste, un sac, une veste. Ces peintures se focalisent sur les accessoires aux couleurs de la plateforme Deliveroo qui interdit à ses livreurs « indépendants » de porter les couleurs d’une marque concurrente. Ces accessoires interviennent comme une accumulation de pièces à conviction qui viendraient démontrer l’existence matérielle d’un lien de subordination entre les travailleurs « indépendants » et les plateformes pour lesquelles ils travaillent, lien de subordination gommé et nié par le langage de ces plateformes.

Wan Ting Fu

Wan Ting Fu s’applique à observer comment les corps s’imbriquent dans les dispositifs
disciplinaires. Une grande partie de son travail porte sur le milieu scolaire et plus
particulièrement sur les façon dont la discipline s’y exerce. How can I become a correct student in the correct school ? est une collection de scénettes dessinées qu’elle tire de ses souvenirs d’adolescence lorsqu’elle était étudiante dans un lycée professionnel à Taïwan. Elle y dépeint avec humour une vie scolaire très stricte, organisée selon un emploi du temps surchargé et ponctuée de rituels nationalistes.

Avec Comment s’asseoir correctement Wan Ting Fu brouille la frontière entre l’équipement
orthopédique et l’instrument de torture, une manière de pointer du doigt la façon dont les
procédés coercitifs se présentent généralement comme des mesures bienveillantes. Elle réalise une chaise à la taille d’un enfant équipée d’une multitude d’attaches, de guides et de soutiens qui servent à maintenir les membres de l’enfant qui y est installé dans une posture réglée mécaniquement.

Cet intérêt pour la disposition des corps l’a amenée à quadriller l’espace d’exposition à l’aide de bandes de ruban adhésif placées au sol. A l’origine pensée comme une façon de traduire dans l’espace un quadrillage disciplinaire plus abstrait, cette grille tracée au sol trouve désormais un écho troublant dans les mesures dites « de distanciation sociale » employées dans les établissements scolaires.

Grégoire Messeri et Etienne Meignant

Grégoire Messeri a développé une pratique artistique qui fait la part belle au détournement et au réemploi d’objets de la vie courante à d’autres fins. Dans un univers où hypothétiquement l’économie se serait effondrée, les objets perdent leur statut et sont remis en jeu purement sur la base de leurs propriétés matérielles. Une tour d’ordinateur devient une serre abritant un bonzaï, le tambour d’une machine à laver devient la roue à aubes d’un cinéma-radeau destiné à se déplacer sur des cours d’eau, des bâtons de ski en aluminium deviennent une antenne de télé.

Etienne Meignant s’emploie généralement à extraire de leur contexte les mots et les images produites par le pouvoir. Il s’intéresse à l’économie marchande, à l’absurdité de sa violence, à la cybernétique et au maintient de l’ordre.

Grégoire Messeri et Etienne Meignant sont diplômés de l’Ensa de Bourges, respectivement en 2018 et 2019. Le Jeu de la Nasse est le fruit de leur première collaboration. Ce jeu de stratégie tient son nom d’un procédé de maintien de l’ordre apparu au milieu des années 80. Une nasse consiste à former un enclos humain constitué de cordons de police afin d’encadrer une foule. Cette technique policière est extrêmement controversée car elle est souvent comparable dans la pratique à une forme de détention arbitraire. Sous forme de jeu de plateau, Grégoire Messeri et Etienne Meignant questionnent le lien entre le maintient de l’ordre et l’urbanisme. La ville y apparaît comme une grille au sein de laquelle se déploient d’une part des stratégie de contrôle et d’autre part des stratégies de fuite.


Brodette

Dans une démarche de subversion des arts textiles qui ont longtemps été un pilier de l’éducation des jeunes femmes dans les sociétés les destinant à une vie purement domestique, Brodette emploie ces techniques et ces matériaux comme supports de revendication et de
représentation. 

Réemployé, le marquoir, petit carré blanc, brodé de lettrages et de petites illustrations servant originellement à démontrer l’habileté d’une femme à la broderie, devient le support d’une mémoire féministe des lois. Des textes de lois qui codifient ou ont codifié les droits sexuels et reproductifs des femmes, leur droit à se vêtir, leurs droits civiques, ou encore leur droit à une rémunération égale à celle de leur collègues masculins sont brodés sur des napperons de récupération et tracent ainsi les contours d’une lutte déjà longue où sont en jeu aussi bien des attitudes sociales que des fonctions vitales.

Vient ensuite la série des « violences policières ». Ces illustrations brodées reprennent des
scènes de répression issues de l’actualité sociale de l’année 2019. Leurs titres renvoient à la nomenclature adoptée par le mouvement dit « des Gilets Jaunes » : Acte 3 – Paris, Acte 4 – Paris, Acte 68 – Saint-Etienne. La reprise à posteriori de ces images contribue à les extraire du flux médiatique dans lequel elles ont été noyées. Ces reproductions manuelles et quasi-artisanales sont exposées ici dans un contexte où est proposée au débat parlementaire en France l’interdiction de capter et diffuser des images des forces de l’ordre « par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support ». Si l’on peut douter qu’une telle loi soit adoptée, on peut en revanche en tirer la certitude que le simple fait de montrer peut encore constituer un geste critique.

Pierre Grandclaude

En s’attachant à comprendre comment sont élaborés les récits, quelles parties des évènements vécus en sont retenues et quelles dimensions en sont repoussées dans les angles morts de l’Histoire, Pierre Grandclaude produit des images où s’agglomèrent plusieurs points de vue. Cependant ces images ne prétendent pas à l’omniscience ou à la neutralité, c’est justement dans la dissonance qu’elles dégagent une certaine poésie. Avec son diptyque intitulé « Voilà une classe qui se tient sage », il reprend non seulement les mots du policier, mais aussi dans une certaine mesure son point de vue. Ces deux dessins réalisés case par case selon une grille, et non pas comme une composition d’ensemble, sont des assemblages de plusieurs arrêts sur image extraits d’une vidéo filmée à titre personnel par un policier. La simple existence de cette vidéo constitue une infraction au code de procédure pénale puisqu’elle montre entravés et menottés des individus qui ne font l’objet d’aucune condamnation. Se pose donc la question de ce qui peut motiver la captation et la mise en circulation décomplexée de telles images de soumission par leur auteur.

RadioRadio

Une radio temporaire de création fabriquée par des étudiant(e)s de l’Ensa Bourges
en FM : 105.1 à Bourges
et sur le web

Atelier sonore d’esthétique

Créé en 2005, l’Atelier sonore d’esthétique, est un séminaire de recherche esthétique en création sonore expérimentale — site web

Arts et créations sonores

Post-diplôme en partenariat avec le Conservatoire de musique et de danse de Bourges — d'électroacoustique — site web

dsra
document & art contemporain

3e cycle — avec l'ÉESI Poitiers-Angoulême — site web