Écritures et paroles d'artistes aux XXe et XXIe siècles
Circulations, échanges, réseau
Ce projet, qui a été mis en place à l’ENSA Bourges, sous la direction de Catherine Fraixe, grâce à une subvention du ministère de la Culture et de la Communication, a pour objectif de développer une base de données qui rassemblera des propos (textes, entretiens, conférences, etc.) d’artistes sous-représentés dans les histoires de l’art actuelles, de mener une réflexion sur l’écriture de l’histoire de l’art et de proposer d'autres mises en récit.
Ce site est en construction. Plusieurs entrées seront proposées. Des cartes permettront par exemple de suivre les débats de portée à la fois esthétique et politique ayant pour objet la forme à donner non seulement à une société, mais aussi à la communauté plus vaste dans laquelle celle-ci devrait s'intégrer. Rencontres, expositions, etc. permettent ainsi de mettre en œuvre des formes de déterritorialisation ou reterritorialisation, qui déjouent les identités nationales ou les intègrent dans des récits transnationaux ou supranationaux.
Ce site sera construit selon un axe synchronique et un axe diachronique de manière à éclairer la circulation des ces textes et de ces propos d'un pays à l'autre, ou entre groupes tentant de réactualiser ou de redéfinir les paradigmes dominants, ainsi que la circulation des termes et des récits. Des catalogues ou documents difficiles d'accès seront intégrés dans la base de données afin de permettre une meilleure appréhension de ces jeux de langage.
Plutôt qu'une série de « grands » textes, même s'il convient de ne pas les oublier, ce site a enfin vocation à prêter attention aux actes de langage ordinaires – moins spectaculaires que les manifestes ou autres déclarations d'éclat –, qu'on trouve par exemple au fil des revues, journaux, catalogues, etc., et qui contribuent à dessiner des récits aujourd'hui inaudibles.
La faible représentation dans les anthologies des textes produits en particulier par des artistes actifs en Afrique du Nord ou en Europe de l'Est et l'absence d'intérêt pour ces derniers que manifestent encore généralement les histoires de l'art rappellent que les peuples réputés non-créateurs poursuivent leur destin de peuples sans art dans des récits qui peinent à s'ouvrir à des pays toujours considérés comme des « marges ».
Ce site en est au stade d'une préfiguration : il est conçu pour un travail collectif qui entraînera des modifications en fonction notamment des documents qui y seront rassemblés et des artistes et chercheurs de différents horizons qui accepteront d'y participer. La cartographie, notamment, a vocation à évoluer avec le temps et le développement du corpus. Si vous souhaitez contribuer, n'hésitez pas à prendre contact (Catherine Fraixe) !
Ce corpus s'est constitué dans un premier temps autour d'une sélection de textes et propos d'artistes actifs en Afrique du Nord et au Moyen Orient, à partir de l'hypothèse que les textes d'artistes, entretiens etc. ont joué un rôle central dans la mise en forme d'un discours sur l'art dans les régions du monde où n'existait pas une tradition critique de longue date.
Un deuxième axe de recherche concerne les pays de l'ancien « bloc soviétique » dont la marginalisation au sein des histoires de « l'art occidental » ne date pas, comme on tend à le croire, de la guerre froide mais des premiers projets de mise en forme d'une histoire de l'art. L'histoire de l'art de la première partie du XXe siècle, centrée sur des représentations ethno-raciales, est ainsi imprégnée d'un discours sur les peuples « slaves » dont la menace a longtemps hanté l'imaginaire « occidental ».
Un troisième axe qui sera privilégié est celui des circulations de textes d'artistes actifs en Amérique du Sud ou se réclamant de cette appartenance dans le cadre par exemple du mouvement des non-alignés. Beaucoup reste à faire sur l'histoire de la circulation des textes et des prises de parole non pas seulement selon des axes est-ouest ou nord-sud, mais selon des directions multiples voire opposées. Dans l'Afrique du Nord des années de la guerre froide, par exemple, les artistes dialoguent selon le cas, c'est-à-dire selon leurs engagements idéologiques et politiques, avec leurs homologues des pays socialistes ou du « pacte atlantique », les muralistes mexicains, les acteurs du panarabisme ou ceux du panafricanisme. Autant de stratégies discursives qui disparaissent dans le discours des nations comme dans la dialectique, pauvre et hyper-centralisée dans les faits, du « local » et du « global ».
Le projet vise au final à donner une visibilité à des échanges rarement étudiés et à retrouver des fils perdus. Il ne peut être que lacunaire, mais du moins devrait-il permettre d'entrevoir l'étendue de ces textes manquants.
