We Are
Artistes : Marielle Chabal, Sammy Engramer, Laurent Lacotte, Michèle Magema, Ibrahim Méïté Sikely, Myriam Mihindou, Bojana Nikcevic, Audrey Terrisse, Laure Tixier, Lassana Sarre, Le Nouveau ministère de l'Agriculture / Commissaires : Sammy Engramer et Guillaume Lasserre
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Dans le prolongement d’une entame de saison ouvrant sur les premières expositions mises en résonance avec Les registres du jeu, s’ouvre un second cycle pointant plus particulièrement vers l’approche des récits et les (en)jeux d’une dimension narrative singulièrement abordée dans les partis-pris artistiques qui sont proposés jusqu’au printemps prochain(1).
Au-delà de la quête insatiable et vivifiante du jeu des formes et d’une économie artistique libre et mobile propre aux Simonnet, ou au cœur même de ce qui est sans nul doute pour Joël Auxenfans la Grande Partie qui se joue actuellement – celle d’une modification profonde, difficilement réversible d’un monde « débordé » par nos usages – il est question de jeux de récits, de paroles emmêlées ou d’histoires entretissées devenues les cartographie sensibles de nos déambulations dans les espaces si particuliers du centre d’art.
A l’image des formes nées d’un temps partagé d’une résidence territoriale qui fut l’enjeu d’expériences individuelles et collective, où, dans le flux des moments qui les ont constituées, Natalia Jaime-Cortez a pensé les conditions de captation pour multiplier les traces et saisir l’empreinte des choses. Les gestes, les voix, dans l’immatérialité de leur expression, servent pourtant à tresser une trame sensible avec laquelle l’artiste a travaillé, dans le silence de l’atelier, dans l’imprégnation du papier, dans le glissement du pinceau, du geste traçant au fil de l’eau colorée comme au long des retranscriptions des paroles, dans la résonance de leur expression, dans le travail de l’écrit et des mots déposés.
D’autres passages nous sont proposés pour s’envisager dans un cheminement sensible, entre couleurs, matières et images. Dans l’approche feutrée des sons résonnant dans une architecture de lumière découpée d’aplats translucides ou appliqués à même les murs, se perçoit physiquement le creuset possible d’une nature déposée, renversée tête-bêche ou effeuillée et bruissante sous nos pas. Meris Angioletti donne corps, dans l’apparentement des objets mobiliers, à une sorte d’espace habitable même si mystérieux. Les conditions d’une mécanique de nos perceptions sont effectives – à l’aube d’un quart de nuit – et la pensée peut venir s’y déployer. Incertaine, elle se tapie dans l’ombre de nos failles autant que dans de subtiles clairvoyances, dans le double-jeu de composition et re-composition du sujet autant regardé que regardant. La fragilité de l’intelligible s’y signifie.
Des résonances se font aussi entendre dans la démesure de la Grande Halle : un registre de voix qui donnent s’y manifeste, porteuses de paroles singulières, réparatrices, toutes orientées vers le même constat : la nécessité d’un commun, où être – WE ARE – c’est d’abord s’y voir prendre position pour faire opposition. A l’aube des espaces intimes ou en lieu et place des espaces publics se détermine un bruissement commun, nourri de la mémoire de formes de pensées ou rêves unitaires ruinés et de la fin des grands récits. Ces voix apparentées mettent en regard les cadres enfouis de nos pensées et de nos usages trop marqués de plis indélébiles, pour revendiquer d’autres perceptions, d’autres postures : les conditions d’un « je(u) » fissurant le monolithique, propice au mouvement, au déplacement, au renversement des pôles. Nos mondes établis craquent quelque peu. Submergent possiblement quelques crêtes – consolation dérisoire pour Giovanni Drogo(2)– formant un archipel éclaté où il s’agit bien d’y apprendre à naviguer. Pour qu’avant que de prétendre y prendre pied, I would prefer not to…