Figures de l'Ombre
Éric Aupol
Exposition et sortie d'édition - en présence de l'artiste.
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Figures de l’Ombre, trois séries d’Eric Aupol : « Shadows » 2007, réalisée en 2007 en Autriche, à Graz, à l'occasion d'une résidence au Kulturzentrum Bei Dem Minoriten. « Presqu'île », fait à Cherbourg en 2007 dans un centre d'accueil et d'hébergement d'urgence, peu de temps après la fermeture de Sangatte. Et enfin « Vita Nova », de 2008 à 2009, en Espagne surtout, à l'occasion de la résidence du photographe à la Villa Médicis hors les murs, mais aussi à Paris, enfin « Liangzhu » en Chine. Toutes laissent deviner ce long chemin périlleux et longtemps éprouvant qu’ont vécu ou subi ces personnes dont les visages ne dissimulent pas totalement l’effroi.
Mais qui sont ces hommes et ces femmes ? Des réfugiés venus travailler en France, de simples citoyens qui ont fui leur pays, des paysans exilés sur leur propre territoire. Il leur faudra à tous repartir à zero, faire comme s’ils devaient oublier qui ils ont été, s’affranchir de leur propre histoire et peut être parfois réinventer leur propre existence. Ce sont des invisibles, On les croise sans les voir, désireux eux mêmes de se faire oublier. Ils ont la faculté de se réfugier dans un anonymat propice à toute forme d’évasion.
Avec ses séries, on retrouve les thèmes chers à Eric Aupol : l’exode, l’achoppement, la confluence des lisières. Ses portraits marquent avec délicatesse le point de tangence du vide et de la stabilité de ces figures presque évanescentes. Le choix pour les deux premières séries de ne faire interférer aucun objet ou paysage qui pourrait identifier une situation ou un espace donne encore plus de force à l’image. Avec, pour les dyptiques, l’insertion d’un fragment de lieu sans marque particulière et sans qualité, ce sentiment de perdition est encore plus fort tant cet espace suggéré est proche de l’abstraction.
En effet, au lieu d’ajouter quelque chose au constat photographique, Eric Aupol a retranché jusqu’à ce qu’il lui soit impossible d’aller plus loin. Il a ainsi inventé, pour ces figures de l’ombre, quelques signes inscrits dans les monochromies du noir et blanc qui disent à la fois la douleur, la solitude et parfois la révolte. S’y ajoute une certaine atemporalité ou sortie du temps mais, chez lui, aucune intention métaphysique : Il faut voir dans la manière de traiter ces portraits le matériel de prédilection d’un artiste qui a besoin de la plus grande neutralité du thème pour le charger du plus fort coefficient de sens. Et La frontalité des images ajoute encore à la fixité et à l’intensité des regards. Le portrait est souvent à la limite du contrejour, proche d’un shéma conceptuel. Les clichés ne tolèrent ni truquage ni subterfuge.
C’est là la justesse du travail photographique d’Eric Aupol qui n’a pas pour vocation un souci primordial de beauté ni de jouer sur le pittoresque de la misère et de l’isolement. Avec ses photos, il participe, à un moment de l’histoire de ces hommes et femmes. Et la gravité du sujet exclue tout jeu de l’esthétisme. Son œil de photographe a saisi avec une émotion juste et une intelligence profonde ce qui se cache derrière eux. Et, parce qu’elles s’imposent avec la force de la vérité, ces photographies pourraient rester sans parole tant ce qu’elles montrent est l’universel. De là viennent qu’elles possèdent un caractère intemporel et éternel. Tracées par le travail parfait de l’artiste, elles sont enjeu de sens et d’altérité.
Françoise Docquiert
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Avec soutient de la DRAC Rhône Alpes, de la ville de Saint-Etienne et de la région Auvergne Rhône Alpes.
Edition ESADSE
Les Limbes est membre du réseau Adele (adele-lyon.fr)
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Remerciements Sandrine Binoux et Yves Rozet