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L'adorable leurre

Evariste Richer
"L'adorable leurre"

sur une invitation de Damien Sausset

exposition du 9 octobre au 12 décembre 2009

vernissage le vendredi 9 octobre à partir de 18h30
à partir de 20h : Usine party

Evariste Richer appartient à une jeune génération d’artistes qui a su prendre toute la mesure des pratiques artistiques de leurs aînés. Et si cette génération a également repéré les impasses, c’est pour mieux définir le champ de leur activité. Chez Evariste Richer, il est ainsi possible de repérer une lecture distante de l’art américain des années 1970 et de l’art français des années 1990. Chez lui, l’œuvre comme objet de pensée ne vaut que si elle est rattachée au réel, c’est-à-dire en puisant saraison d’être dans un ensemble d’artefacts produits par la nature ou l’homme. Tout l’art de cet artiste consiste donc à repérer dans notre monde certains événements qu’il réorganise, transforme, retourne. Ces légers déplacements prennent toute leur signification dans l’espace d’exposition où ils sont soudain mis en relation les uns avec les autres tout en s’interrogeant sur la nature même de leur mode de présentation. On l’aura compris, Evariste Richer refuse l’autorité de l’œuvre. Celle-ci n’est là que pour indiquer aux spectateurs quelques pistes, quelques ouvertures, quelques possibilités d’interprétations. Pour autant, chacune de ses interventions peut également se mesurer à l’aune de notre société de consommation. Il y a dans la pratique de cet artiste une dimension véritablement politique en ce sens qu’il ne cesse de pourfendre avec subtilité un ordre de vision qui nous est imposé avec de plus en plus de force. Ses œuvres jouent donc avec tous les langages, tous les lieux communs propres à la communication sociale tout en intégrant aussi des formes plus anciennes de présentation du savoir et de la connaissance. Pour ces raisons, certaines procédures que cet artiste met en place ne sont pas sans évoquer les manières dont les savoirs s’organisaient au XIXe siècle. Mais cette mise à distance ne se veut pas constat amer et ironique sur notre univers. Au contraire, les disjonctions qu’il fabrique tentent systématiquement d’éprouver les conditions d’un ré-enchantement de notre monde. Chacune de ses expositions - et celle au Transpalette ne fait pas exception à la règle – se construit donc à partir de l’idée que la déambulation du visiteur lui permet de recomposer un paysage mental, paysage qui fonctionne à la fois sur les souvenirs de chacun, sur sa relation distante avec la réalité, sur sa perception de l’espace…
« L’adorable leurre » titre choisi pour cette exposition souligne le déplacement ici à l’œuvre. Avec la vision comme thème implicite, « L’adorable leurre » propose un parcours qui s’énonce comme une histoire mais dénuée de narration, une histoire sans début ni fin, sans opposition claire entre fiction et réalité. Ainsi « Casse Tête » (2009) se présente au rez-de-chaussée comme l’agrandissement d’un casse tête chinois. Mais au lieu de simplement monumentaliser l’objet, il fait ici deux mètres de côté, l’artiste lui fait subir un simple agrandissement anthropomorphique. L’étonnement devant ce cube qui soudain anime l’espace, le creuse et l’interroge se retrouve par la suite avec « Stella » (2009), pièce posée contre le mur et composée de perches, destinées au performance du saut à la perche, formant une étoile à cinq branches en équilibre précaire. Sur les murs environnants, une série de sérigraphies décompose en quadrichromie une photographie trouvée sur Internet et représentant des grêlons hors normes. Cette série feuilletée devient une énigme visuelle, un rébus aussi étrange que les deux pièces qui la côtoient. Ici, le regard se fait interrogation. Chaque œuvre se fait « image », non pas en tant que document qui établit les actes et les événements qui font l’actualité du monde mais bien « image » comme sidération de la pensée. Plus loin au sol, 10 000 dés à jouer composent eux aussi une étrange représentation que le spectateur peine à identifier. Il lui faudra monter dans les étages , pour avec le recul, prendre toute la dimension de cette pièce. « La Foudre » (2009) structure l’exposition en transperçant le vide du puits central de cette architecture industrielle. « La Foudre » se présente sous la forme d’une canne d’aveugle spécialement produite pour l’occasion et mesurant pas moins de 13,50 mètres, comme pour mieux mettre à distance notre connaissance des choses. L’œuvre inverse le processus de reconnaissance. Les affiches publicitaires, «Equivalents » (2006), collées mais retournées, présentant ainsi un monochrome gris-bleu, constituent sans doute le fond de cette exposition, l’horizon sur lequel se greffent les autres œuvres. Ici, les codes visuels sont retournés, niés, indiquant que toute image est aussi de l’ordre de la peinture, c’est-à-dire l’actualisation sans cesse reconduite d’un rapport au monde. D’autres déplacements ont lieu. Une vidéo «Le coquillage» (2009) retraçant l’autopsie d’un perroquet du Gabon, une boule de bowling «Météore» (2008) placée en équilibre précaire complètent une exposition où l’ordinaire ouvre sur d’étranges associations à la fois poétiques et éminemment politiques.

Damien Sausset

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