Cage #3 : Kaléïdoscope
Mardi 20 octobre
Chambre d'écoute à 18h30 - Salle d'écoute
Sur une proposition de Jean-Michel Ponty
A partir d'une série de concerts donnés en 1983 dans l'église désaffectée de St-James à Londres, John Cage donne une leçon de musique et d'écoute.
Ce parcours au cœur de ses expérimentations met en lumière les dimensions politiques et utopiques de la trajectoire du musicien.
Un portrait composé et filmé par Peter Greenaway.
Biographie
Né à Los Angeles le 5 septembre 1912, John Cage est à la fois musicien, écrivain, peintre, mycologue, penseur, artisan d’une vie considérée comme processus continu, au-delà de toute catégorie.
Son premier contact avec la musique se fait par l’apprentissage, enfant, du piano. Plus tard lassé par un système scolaire fondé sur la répétition et l’uniformité, il part en 1930 pour l’Europe à la recherche de nouvelles expériences. De retour en Californie l’année suivante, il entreprend des études de composition avec Richard Buhlig et Henry Cowell, puis prend des cours particuliers avec Adolph Weiss. En 1935 il se marie avec Xenia Andreyevna Kashevaroff dont il se séparera dix ans plus tard. De 1934 à 1936 il étude l’analyse, la composition, l’harmonie et le contrepoint avec Arnold Schoenberg, et comprend à cette occasion son peu d’inclination pour la pensée harmonique. Entre 1938 et 1940, il travaille à la Cornish School de Seattle et y rencontre Merce Cunningham – qui devient son compagnon et collaborateur. Dans cette période, il écrit son manifeste sur la musique « The Future of Music : Credo » ; invente le water gong et le piano préparé, et enfin compose Imaginary Landscape No.1 (1939), une des premières œuvres utilisant les moyens électroniques.
Après ces années de formation où voix et percussions sont ses instruments de prédilection, les années quarante sont décisives. À New York, il participe à un concert au MoMA où est créée Amores (1943) ; il fait la connaissance du musicien hindou Geeta Sarabhai et entame la lecture des écrits d’Ananda K. Coomaraswamy et de Maître Eckhart. En 1948, il termine les Sonatas and interludes, fruit de plusieurs années d’exploration du piano préparé. En 1949, de nouveau à Paris, il travaille sur la musique de Satie et rencontre notamment Olivier Messiaen, Pierre Schaeffer et Pierre Boulez. Il échangera avec ce dernier une longue correspondance jusqu’en 1954.
De retour à New York l’année suivante, Cage se lie à ceux qui formeront l’école dite « de New-York », Morton Feldman et Christian Wolff, rejoints en 1952 par Earle Brown. Son amitié avec les peintres de ce même cercle, notamment Robert Rauschenberg, est tout aussi importante, comme le montre la pièce silencieuse 4’33’’ (1952). Avec Music of Changes (1951) et Untitled Event (1952) naissent les premiers happenings. Water music (1952) explore les notations non conventionnelles. La fondation de la compagnie de danse Merce Cunningham en 1953, dont devient le directeur musical jusqu’à sa mort, inaugure une longue collaboration avec le chorégraphe dans laquelle musique et danse coexistent sans rapport de subordination de l’une à l’autre. C’est également à cette période que Cage suit les conférences de Daisetz T. Suzuki sur le bouddhisme Zen et commence à travailler dans sa musique avec des opérations de hasard et avec l’indétermination : première utilisation du Yi King dans le troisième mouvement de son Concerto for Prepared Piano and Chamber Orchestra (1957-1958).
Son intervention aux cours d’été de Darmstadt en 1958, « Composition as Process » et ses pièces indéterminées, parmi lesquelles Variations I, créeront de grands débats au sein de l’avant-garde européenne. En 1961 paraît Silence : Lectures and Writings. Sa conception de la musique comme théâtre prend forme en 1962 avec la première de 0’00’’ (4’33’’ nº 2). Les Variations V et VII, Musicircus (1967), HPSCHD avec Lejaren Hiller, le concert de musique électronique/échecs Reunion (1968) avec Marcel Duchamp et Teeny Duchamp, sont autant d’étapes importante dans la gestation de l’art multimédia et environnemental. Les Song Books publiés en 1970 rassemblent une grande variété de procédés compositionnels et de types de notation sur des textes de Cage lui-même ou d’auteurs fétiches comme Buckminster Fuller, Marshall McLuhan et surtout Henry David Thoreau. La dimension sociale dont est désormais porteuse la production cagienne est sensible dans le projet des Freeman Etudes pour violon (1980 ; 1990).
L’activité plastique de John Cage débute avec l’exposition de ses partitions en 1958 dans la Stable Gallery et, malgré des incursions régulières dans le champ des arts visuels, c’est avec les « gravats » réalisés à Crown Point Press à l’instigation de Kathan Brown que cette activité devient essentielle, avec la production de quelques neuf cents gravats, aquarelles et dessins jusqu’à sa mort. Dans ces œuvres – comme dans ses mesostics commencés après l’écriture d’Empty Words en 1976 –, Cage suit les mêmes principes de travail que dans sa musique, à l’image de Where R=Ryoanji (1983-1992) par exemple. De 1987 à 1991, il compose les Europeras I-V, et de 1987 à 1992, le cycle Number Pieces, où il fait usage de ce qu’il appelle des « parenthèses de temps ». Dans cette dernière période, apparaissent des processus d’automatisation de l’écriture, basée sur des programmes informatiques réalisés par son assistant Andrew Culver. Les dernières années viennent couvrir de reconnaissance et de prix prestigieux, comme le Kyoto Prize (1989), une vie placée sous le signe de l’expérimentation et de la liberté.
John Cage meurt à New York le 12 août 1992.
© Ircam-Centre Pompidou, 2010