Kagel = Hiatus
Chambre d'écoute
18h30 - Mardi 11 décembre
Salle d'écoute
sur une proposition de Jean-Michel Ponty
Kagel est avant tout un compositeur du hiatus : celui de la logique compositionnelle et du résultat objectif, mais également celui des différents matériaux utilisés dans ses compositions : sons, gestes, figures. Ils sont à tout moment susceptibles de passer par le filtre de contraintes compositionnelles qui lui permettront de structurer le temps, l’espace sonore et, enfin, l’espace scénique. Rechercher un univers acoustique particulier, mettre en jeu une organologie imaginaire, ou bien des phonèmes, toute cette matière n’est pas destinée à rester inerte. De la forme de l’œuvre à celle de la représentation, Kagel amplifie la théâtralité intrinsèque qui habite toute performance musicale. Cette théâtralité laisse voir des gestes qui sont en quelque sorte décontextualisés, détachés de toute signification directe, nous renvoyant à l’absurde de notre propre position, théâtralité dont l’humour grinçant nous provoque en permanence : « Quand je fais de la dérision, je le fais avec un tel niveau de professionalisme, que ça donne… douleur »
Mauricio Kagel suit des études de musique, d'histoire de la littérature et de philosophie à l'Université de Buenos Aires et devient conseiller artistique de l'Agrupacion Nueva Musica à l'âge de 18 ans. Il est co-fondateur de la cinémathèque argentine, critique de cinéma et de photographie. Il commence à composer ses premières pièces instrumentales et électroacoustiques. De 1955 à 1957, il est directeur des réalisations culturelles à l'Université et des études à l'Opéra de Chambre, et chef d'orchestre au Teatro Colon.
C’est en 1957 qu’il s'installe à Cologne où il crée deux ans plus tard le Kölner Ensemble für Neue Musik, et entre 1969 et 1975, dirige les Cours de musique nouvelle à Cologne. Depuis 1974, il occupe la chaire de théâtre musical, ouverte pour lui à la Hochschule für Musik.
Même si Kagel n’est à l’origine d’aucune « école », trente-cinq années d’enseignement ont eu un impact important sur un grand nombre de compositeurs d’une génération plus jeune.
L'œuvre de Kagel est étendue et variée. Il est l'auteur de compositions pour orchestre, voix, piano et orchestre de chambre, et de très nombreuses œuvres scéniques, films et pièces radiophoniques.
Au début des années 1960, le compositeur a mis l'accent sur le théâtre instrumental, dont Sur Scène (1959) est la première manifestation et va faire de lui une autorité dans le paysage de la création musicale européenne. Par la suite, ses pièces instrumentales et scéniques se multiplient entrecoupées de symphonies de conception «ouverte», Hétérophonie et Diaphonies I, II et III.
Dans les années 1970, il dirige son travail vers la déconstruction de la grande tradition (Bach, Beethoven, Brahms), qu’il confronte à des formes de musique de variété. En 1970, Ludwig van vient souligner, par le retentissement de sa version cinématographique, l'invention de Kagel dans les genres de la scène, du concert, du cinéma et de la radio. L'année suivante, Staatstheater précède de peu un retour à l'orchestre symphonique avec les Variationen ohne Fuge. Pièces instrumentales et pièces théâtrales continuent de s'imbriquer dans cette exploration des sons inouïs et des gestes «producteurs» de musique : de Charakterstück pour quatuor de cithares et Exotica pour instruments extra-européens (1972) aux deux opéras Die Erschöpfung der Welt (1980) et Aus Deutschland (1981). Dans les années 1980, Kagel brise de plus en plus les conventions et les habitudes auditives : Rrrrrrr..., ensemble de 41 pièces (1980-1982) et Troisième quatuor à cordes (1986-1987).
L’esprit théâtral et l’humour de Kagel restent toujours sous-jacent dans les pièces de ces dernières années, où le compositeur revient pourtant plus souvent à l’utilisation d’une instrumentation plus traditionnelle : cycle Die Stücke der Windrose pour orchestre « de salon » (1991-94), Études (1992-96) et Broken Chords, pour grand orchestre (2002), Quirinus' Liebeskuss (2002), pour ensemble vocal et instruments, Fremde Töne und Widerhall pour orchestre (2005).
Mauricio Kagel est lauréat de nombreux prix : Koussevitzky Prize en 1965, Zürich’s Scotoni Prize pour Hallelujah en 1969, Adolf Grimme Prize : 1970, 1971, Karl Sczuka Prize de la radio Southwest de Baden-Baden en 1980, prix Erasmus en 1998, prix Maurice Ravel en 1999, Ernst von Siemens Musikpreis en 2000, doctorat d’honneur de la Musikhochschule Franz Liszt Weimar et Jena en 2001, prix de l’université du Texas en 2005. Il reçoit, en outre, la médaille Mozart de Frankfort, la nomination française de Chevalier des arts et des lettres, le Bundesverdienst Orden allemand et la nomination de première classe et membre de l’Academie des Arts de Berlin.