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Du Bruit autour de Pierre Schaeffer / Henry

Schaefferhenry
Chambre d'écoute
Mardi 12 Février
18h30 Salle d'écoute
Sur une proposition de Jean-Michel Ponty

Jusqu’au XXe siècle, les notions de « son » et de « bruit » étaient systématiquement opposées, la première relevant du beau et de l’agréable, la seconde du désagréable et du laid – étant par là même inexploitable dans la création musicale. Aujourd’hui encore, le Trésor de la langue française définit le son comme une « sensation auditive produite sur l'organe de l'ouïe par la vibration périodique ou quasi-périodique d'une onde matérielle propagée dans un milieu élastique, en particulier dans l'air […] ; ce qui frappe l'ouïe, avec un caractère plus ou moins tonal ou musical, par opposition à un bruit. » et un bruit comme « Ensemble de sons, d'intensité variable, dépourvus d'harmonie, résultant de vibrations irrégulières. On constate donc que la dimension musicale n’est inhérente qu’au premier.

Pourtant, au début du XXe siècle, de nombreux compositeurs ont tenté de révolutionner le langage sonore en y incluant le bruit. Ainsi, les bruitistes italiens ont été parmi les premiers à théoriser l’idée d’un « bruit musical ». L'Art des bruits du compositeur Luigi Russolo (1913) est une invitation à considérer différemment le monde sonore. Selon lui, « nous prenons infiniment plus de plaisir à combiner idéalement des bruits de tramways, d’autos, de voitures et de foules criardes qu’à écouter encore, par exemple, l’Héroïque ou la Pastorale. » Il déclare également : « La différence vraie et fondamentale entre le son et le bruit se réduit uniquement à ceci : le bruit est bien plus riche de sons harmoniques que ne l’est généralement le son. » Si l’idée d’art musical est présente dans les idées des bruitistes, c’est parce que ceux-ci ne se contentent pas seulement de reproduire les sons grâce aux différents « bruiteurs » (instruments « capables de jouer dans tous les rythmes ») qu’ils ont construits mais qu’ils les combinent de manière réfléchie.

Aux Etats-Unis, sons et bruits constituent également des terrains d’expérimentations très intéressants pour les compositeurs. Ainsi, « l’usage de la polyrythmie et de la polytonalité peuvent faire naître, comme chez Charles Ives dans le finale de sa Holidays symphony (1904-1913), des complexes sonores de caractère bruiteux. » De même, le Ballet mécanique (1924) de George Antheil comprend, outre des instruments traditionnels, des sirènes « un pianola, deux sonnettes électriques et le son d’une hélice d’avion »

Dans le même ordre d'idées, Parade (1917) d’Erik Satie est un exemple des plus représentatifs de l’inclusion du bruit dans la musique. Dans cette œuvre, le compositeur utilise des objets usuels comme une roue de loterie, une machine à écrire et un révolver. Ces nombreuses innovations, alliées à l'inclusion de nouveaux matériaux dans les œuvres (les percussions, les ready-mades sonores, les sons enregistrés…) permettent d’étendre le champ sonore à de nouveaux paramètres.

En 1948, les compositeurs de musique concrète Pierre Schaeffer et Pierre Henry font considérablement évoluer le paysage sonore vers le domaine du bruit. Le premier déclare ainsi « qu’il n’est nul son réputé musical qui ne soit bruit »  et que le son comme le bruit est « granuleux, comporte un choc à l’attaque, est boursouflé d’impuretés. » Toute la musique concrète, dans son utilisation brute de bruits divers enregistrés, contribuera à inclure le bruit dans la musique et surtout à abolir toute idée de hiérarchie entre les deux. Les Etudes de bruits (1948) sont par exemple cinq pièces utilisant les bruits de tourniquets, de chemins de fer, de casseroles…

Le compositeur américain John Cage, en Concerto N°1 pour piano préparé, qui consiste à utiliser l’instrument dans sa totalité, en frappant directement les cordes du piano, en y insérant divers objets pour modifier le son ou en percutant le bois du meuble pianistique. Cette approche non traditionnelle de l’instrument permet donc d’inclure le phénomène de bruit dans l’œuvre.

Aujourd’hui, dans la lignée des musiciens concrets, les compositeurs n’hésitent pas à faire appel à un matériau musical autre que des notes issues d’instruments acoustiques et électroniques. De nombreux bruits sont enregistrés puis retravaillés sur bande. Ainsi, Sud de Jean-Claude Risset (1984) utilise des bruits de flux et reflux de la mer. L’électronique peut également être exploitée pour produire des créations de bruits, comme dans l’œuvre Granulations-Sillages de Guy Reibel (1976) faite de bruits uniquement d’origine électronique.

Pierre Schaeffer (né le 14 août 1910 à Nancy) est surtout connu comme chercheur, inventeur de la Musique Concrète, spécialiste des communications de masse, créateur d’institutions et écrivain.
Ses recherches musicales (1948) et son engagement face au rôle des medias de masse au cours de sa carrière à la Radiodiffusion Télévision Française (1935-1974) l’ont conduit à dépasser les aspects techniques et esthétiques pour entrevoir le rôle politique et social des communications dans la société contemporaine. Aussi considérait-il comme majeurs, dans sa production écrite, le Traité des Objets Musicaux (1967, remanié en 1977, et réédité au Seuil), et les deux tomes des Machines à communiquer (Genèse des simulacres, 1970 – Pouvoir et Communication, 1972, réédités au Seuil en 1998).
Le premier de ces ouvrages aborde le problème fondamental des matériaux de la musique, la spécificité de l’objet musical, l’élaboration des musiques « plurielles » qui dépendent des choix effectués par telle civilisation en fonction des techniques et des emplois du sonore.
Le second vise tout autant la profonde transformation des représentations par le relais des enregistrements (les simulacres) que la nature de l’information imposée à la société par les structures passives et massives des Télécommunications. D’où le thème de « Pouvoir et Communication ».
Musicien par tradition familiale, ingénieur des P.T.T après Polytechnique, mais aussi écrivain et compositeur, il a été le fondateur et l’animateur d’institutions « impossibles et nécessaires » comme :
- le Studio d’Essai en 1943,
- le Service de la Radiodiffusion de la France d’Outremer en 1953,
- le Service de la Recherche en 1960,
- et, issu des recherches expérimentales et du Groupe de recherche de musique concrète :
le Groupe de Recherches Musicales (GRM), qu’il dirige jusqu’en 1966, date à laquelle il en cède la direction à François Bayle.
Il assure également, à partir de 1968, un séminaire de musique expérimentale au Conservatoire National Supérieur de Paris.
Entre 1948 et 1951 Pierre Schaeffer a composé, notamment, les Études de bruit et, en collaboration avec Pierre Henry, Symphonie pour un homme seul, et  Orphée De 1958 à 1960 : Étude aux allures, Étude aux sons animés, Étude aux objets.

Pierre Henry est né le 9 décembre 1927. Il étudie la musique dès l’âge de sept ans et suit, entre 1937 et 1947, les classes d’Olivier Messiaen, Félix Passerone et Nadia Boulanger au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. De 1944 à 1950, il compose quelques œuvres instrumentales et mène une carrière de musicien d’orchestre en tant que pianiste et percussionniste. Il commence dès cette période des recherches sur une lutherie expérimentale.
En 1948, il compose une première musique de film Voir l’invisible interprétée avec des objets acoustiques. Il rejoint Pierre Schaeffer en 1949 et, ensemble, ils créent la Symphonie pour un homme seul en mars 1950. Il dirige les travaux au Groupe de Recherche de Musique Concrète (GRMC) de la radio de 1950 à 1958.
En 1958, il quitte la R.T.F. et fonde son studio : APSOME, rue Cardinet à Paris qui sera le premier studio privé consacré aux musiques expérimentales et électroacoustiques. Il y poursuit seul ses recherches pures, en y associant des techniques nouvelles et des procédés électroniques dont il est l’inventeur. Il explore sans relâche cet univers musical sans précédent, surmontant, adaptant les technologies en constante évolution avec une maitrise très sûre de la pratique musicale la plus classique.
Il auto-finance son studio de 1958 à 1982, en réalisant de nombreuses musiques de films, de scènes et publicitaires. En 1955, le chorégraphe Maurice Béjart utilise la Symphonie pour un homme seul. Suivront quinze ballets en collaboration entre les deux artistes. Il collabore par ailleurs avec les chorégraphes Georges Balanchine, Carolyn Carlson, Merce Cunningham, Alwin Nikolaïs, Maguy Marin. Parmi ses nombreuses musiques de films, citons le prestigieux L’Homme à la Caméra de Dziga Vertov. Il réalise enfin des performances avec les plasticiens Yves Klein, Jean Degottex, Georges Mathieu, Nicolas Schöffer, Thierry Vincens.
Entre 1967 et 1980, Philips produit dix-huit disques des œuvres de Pierre Henry dans la collection Prospective du 21° siècle, et une édition de dix-neuf disques présentant trente-deux œuvres majeures du compositeur.
En 1982, Henry est le directeur artistique du nouveau studio SON/RE, dans le douzième arrondissement, subventionné par le Ministère de la Culture et la Ville de Paris. Plus de soixante-dix œuvres nouvelles y seront réalisées, dont Intérieur/Extérieur (1996), Histoire Naturelle (1997), La Dixième remix (1998), Les sept péchés capitaux (1998), Une Tour de Babel (1999), Tam Tam du Merveilleux (2000), Concerto sans orchestre (2000), Hypermix (2001), Poussière de soleils (2001), Dracula (2002), Carnet de Venise (2002), Zones d’ombre (2002), Labyrinthe! (2003), Faits divers (2003), Duo (2003), Lumières (2004) et Voyage initiatique donné du 13 au 27 mars 2005 dans le cadre des soirées “Pierre Henry chez lui III” au domicile du compositeur, Comme une symphonie, hommage à Jules Verne 2005, Orphée dévoilé et plus récemment Pulsations créée en juillet 2007 à Riga, Objectif terre le 11 juillet 2007 au Festival d’Avignon et sur l’Esplanade de la Défense à Paris le 4 août 2007 devant 6.000 spectateurs. A l’occasion de ses 80 ans, il a composé trois œuvres nouvelles, Utopia créée à la Saline Royale d’Arc et Senans, Trajectoire, donnée Salle Olivier Messiaen de Radio France le jour de son anniversaire, et le 20 mars 2008 Pleins jeux à la Cité de la Musique.
Les nombreux concerts de ses œuvres sont donnés dans le monde entier, avec le soucis constant d'une grande maîtrise de la spatialisation. Novateur dans le domaine de l'exploration du son, défenseur d'une esthétique libre et ouverte, pionnier dans les recherches technologiques, Pierre Henry aura ouvert la voie à de nombreux univers des musiques nouvelles, notamment électroniques. Depuis 1995, toute une génération des musiques actuelles rend hommage à Pierre Henry pour ses inventions, reprises pour la plupart par les technologies manufacturées d’aujourd’hui. La modernité de Pierre Henry fait de lui, selon le Monde, « le grand réconciliateur des générations » (juillet 2000).

RadioRadio

Une radio temporaire de création fabriquée par des étudiant(e)s de l’Ensa Bourges
en FM : 105.1 à Bourges
et sur le web

Atelier sonore d’esthétique

Créé en 2005, l’Atelier sonore d’esthétique, est un séminaire de recherche esthétique en création sonore expérimentale — site web

Arts et créations sonores

Post-diplôme en partenariat avec le Conservatoire de musique et de danse de Bourges — d'électroacoustique — site web

dsra
document & art contemporain

3e cycle — avec l'ÉESI Poitiers-Angoulême — site web