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Solo#2 Fréquences

Avec Solo#2-fréquences, Brice Leroux revient à ses premières amours. Cette forme chorégraphique lui vaut en 1992 le premier Prix du Concours International de danse de Paris. Depuis, il ne cesse de développer un travail atypique sur les infinies combinaisons des mouvements : motifs circulaires dans Gravitations-Quatuor ou encore chorégraphie des avantbras dans Quantum Quintet, parmi les  spectacles déjà accueillis à Bourges. Ce qui pourrait être qualifié d’art de la réduction chez Brice Leroux n’est ni un style, ni un choix  esthétique.

Comme il le souligne : « Je suis à la recherche des fondements essentiels de la composition. ( …) Plus on réduit la palette de  mouvements, plus c’est leur agencement qui devient important et qui doit créer la richesse. »
Par ailleurs, le choix de la quasi-obscurité dépouille le spectateur de ses repères et l’incite à convoquer d’autres ressorts sensoriels. Dans Solo#2-fréquences, Brice Leroux analyse les différentes possibilités de mobilité du buste en combinant une succession de flexions – avant, arrière, droite, gauche – à deux torsions – droite, gauche.
Une cage immatérielle, composée de rais lumineux, emprisonne le danseur, pieds fixés au sol sur un plateau tournant sur lui-même.  Installé autour de ce dispositif, le public bénéficie d’une vision à 360° de cette silhouette fantomatique lancée dans un mouvement  perpétuel au rythme du Poème symphonique pour 100 métronomes de György Ligeti composé en 1962.
 


Le morceau nécessite un chef d’orchestre, et dix exécutants afin d’opérer une préparation manuelle minutieuse. Chacun des cent métronomes est placé sur la scène, remonté et ajusté à une certaine vitesse. Une fois qu’ils sont tous remontés, ils sont lancés aussi simultanément que possible. Les exécutants sortent de la salle, et alors seulement le public peut rentrer ; il s’installe alors que les métronomes battent la mesure. Les métronomes s’arrêtent les uns après les autres et laissent percevoir de plus en plus nettement la périodicité des battements. Ensuite, seuls quelques-uns battent ; ce sont ceux qui ont été réglés aux vitesses les plus lentes. La pièce se termine après que le dernier métronome a battu seul quelque temps. La pièce dure un peu moins d’une vingtaine de minutes.

 

La pièce a été créée à Hilversum, aux Pays-Bas, en 1963, et a été un énorme scandale. Le concert filmé par la télévision hollandaise ne fut jamais diffusé, remplacé par un match de football.

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Dans le noir quasi complet, le spectateur doit emprunter seul un long couloir hélicoïdal qui mène à la salle circulaire, exceptionnellement réduite pour Brice Leroux à une jauge de 50 places.

L’espace évoque la Spiral Jetty (1970) de Robert Smithson, qui reflète la fascination du théoricien du Land Art pour l'entropie, l'inévitable transformation des forces de la nature et sa passion pour la cristallographie — une passion que semble partager Brice Leroux. La spirale évoque bien sûr le temps et ce concert pour métronomes, la scansion régulière du temps, le battement au coeur du mouvement, le problème de sa relativité et donc du point de vue.

Le danseur est attaché pour supporter la rotation du socle sur lequel il évolue. Le champ perceptif de l’observateur est affecté, ce qui engendre des hallucinations involontaires.“Quand on réprime une certaine perception, on en stimule une autre,” défend Brice Leroux quant à son parti-pris pour la pénombre. Le moiré, en optique, offre une « visualisation » du battement. Justement, l’obscurité dans laquelle le corps du danseur évolue produit ces effets contrastés, générant des ombres dans l’ombre en raison sans doute de la réflexivité des vêtements clairs des spectateurs.

En réduisant l’intensité du visible, Brice Leroux laisse transparaître le corps signe et ses articulations principales au travers d’un jeu de lumières complexe. Ce costume noir strié rappelle les expériences en chronophotographie du physiologiste Étienne-Jules Marey (1882), qui, sur un fond noir, saisissait les lignes blanches du corps humain pour en décomposer les différentes étapes de sa locomotion.

Les métronomes en cercle autour du « manège minimaliste » interprètent le Poème symphonique pour 100 métronomes de György Ligeti, une oeuvre composée en 1962.Ils battent la mesure. En s'arrêtant les uns après les autres, ils laissent percevoir de plus en plus nettement la périodicité des battements. Ceux qui ont été réglés aux vitesses les plus lentes continuent de battre.

Pour développer son alphabet gestuel restreint, Brice Leroux s’enracine dans le terreau minimaliste des années 60-70, influencé sans doute par Trisha Brown et Merce Cunningham. “J’essaie d’explorer la richesse contenue dans un champ de recherché limité”, explique t-il.

Dans cette pièce, seules les combinaisons du buste sont sollicitées à travers les quatre directions de flexions (avant, arrière, droite, gauche) et deux torsions (droite, gauche), en relation avec les huit points cardinaux. D’où l’effet de cristallographie. L’adage est d’une rigueur mathématique : “Je me borne à exposer tous les trajets possibles de l’une à l’autre de ces positions, à vitesse continue dans tous les ordres possibles”. Les bras sont maintenus devant dans une forme circulaire, un port de bras continu qui doit être éprouvant.

Le plateau tourne pour que le spectateur puisse assister à toutes les combinaisons possibles et obtenir ainsi un point de vue à 360 degrés. “C’est le travail sur l’écart entre l’espace absolu et relatif qui m’intéresse, sur les rapport d’espace-temps, les fréquences.”, pourrait dire Brice Leroux de cet objet chorégraphique millimétré, aussi étrange et fascinant que ceux découverts par Man Ray à l'Institut Poincaré et qui lui inspirèrent sa série Objets mathématiques.

 

 

Texte : Katia Feltrin

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