Épuiser une forme
Le geste, la série : notions usuelles en art. Et en littérature ? Certains auteurs, dit-on, écrivent « toujours le même livre », mais souvent un simple coup d’œil suffit pour voir qu’il n’en est rien. La chose se tente, pourtant, en poésie – les formes fixes traditionnelles en sont un exemple, ou d’autres contraintes formelles (en ce qui me concerne, écrire 570 « énoncés-types » répartis en deux livres, 600 « wazo » en trois livres apparemment identiques, en reprenant à chaque fois le même carcan, le même vocabulaire réduit). En semblant s’épuiser, la forme retrouve une énergie. Relancer avec un léger décalage est producteur de sens et oblige à bouger à l’intérieur d’un espace clos, à y varier ses postures. Le texte est comme une boîte très petite mais qu’on ouvrirait différemment à chaque fois, y cherchant, pour y entrer et non pour s’en échapper, des ouvertures nouvelles. Il s’agira donc, dans ce workshop, d’élaborer des objets (textes, performances, hybridations diverses) par répétition, expansion, condensation, réduction, prolifération, codage, appauvrissement, combinaison, resserrement, sur une base textuelle, à partir d’une forme brève et à l’intérieur de ses contraintes : qu’elle soit un cadre et en même temps une dynamique.
Né en 1962 dans un milieu ouvrier, Dominique Quélen a passé exactement la première moitié de sa vie (au cas où elle s’arrêterait maintenant) à Vitry-sur-Seine, en banlieue parisienne. Des études de lettres poussées, par réticence à intégrer le « marché du travail », d’un côté jusqu’à l’agrégation, de l’autre jusqu’au doctorat (sur Italo Svevo), l’ont mené à l’enseignement. Affecté dans ce qu’on nomme à présent, contre toute logique physique, les Hauts-de-France, il y a enseigné, surtout à Lille et surtout en lycée, jusqu’en 2015. Depuis, il écrit seulement. Cela donne tantôt des livres, tantôt – et c’est assez différent – un matériau malléable pour des compositeurs (Aurélien Dumont, Misato Mochizuki, Gérard Pesson…) ; il lui est arrivé aussi de travailler avec un photographe (Jacques Vilet), avec un peintre (Tristan Bastit).